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Paulo Coelho, l’homme aux 135 millions de livres
Paulo Coelho, à Paris, dans l’appartement de sa nièce. Dans un français impeccable, il répond aux questions et évoque librement son étonnant parcours de la période hippie à la religion catholique. : Claude Stéfan.
L’auteur de L’alchimiste vient de publier La solitude du vainqueur, un polar existentiel au pied du tapis rouge du Festival de Cannes. Rencontre avec l’écrivain le plus traduit au monde de son vivant. Un mystique au passé mouvementé.
Promis, j’irai mettre un cierge au pied de la madone car la rencontre avec Paulo, 62 ans, vaut le déplacement. Elle sent le souffre et l’encens. Et le tabac aussi. L’homme fume en répondant aux questions dans un français des plus correct. Tee-shirt, jean, chaussures: tout est noir dans le look Coelho. Sauf la barbe et les cheveux qu’il porte blancs et courts à l’exception d’une longue mèche dans le cou.
Sur l’avant-bras, un tatouage, vestige d’une période où l’écrivain était adepte de l’amour libre, de la drogue et du rock’n'roll. « He oui, j’étais un rebelle ! » Il en a payé le prix. Dans son coeur et dans sa chair. « Mes parents m’ont fait étudier chez les jésuites au Brésil. J’ai détesté leur enseignement, cette vision dure et autoritaire de la religion. Moi, je voulais vivre, écrire, être un artiste. » Un plan de carrière qui déplaît fortement au papa ingénieur. Il tente, par tous les moyens, de le remettre dans le droit chemin. « Ils m’ont fait interner à trois reprises dans un hôpital psychiatrique ! » Médicaments, électrochocs n’apaisent pas la soif de liberté du jeune homme. « À 19 ans, j’ai été déclaré officiellement fou ! Alors… »
Alors, il a vécu des trucs de dingue. « Je me suis lancé à corps perdu dans le mouvement hippie. » Il a tapissé ses narines de cocaïne, gobé des pastilles de LSD et écrit les paroles des chansons de Seixas, une vedette du rock. « Elles ont été jugées subversives et la dictature des généraux m’a collé en prison. »
Paulo Coelho écrase sa cigarette - « la seule drogue que je m’autorise aujourd’hui » -et montre un vieux cliché de lui, pris en prison. « Ça m’a calmé ! À 26 ans, je me suis dit : je rentre dans le rang, je trouve du boulot et je me marie. »
Médaille et eau bénite
Il suit ce raisonnable programme, s’ennuie, se pose beaucoup de questions existentielles sur les raisons de sa présence sur terre, divorce et rencontre Christina, sa femme depuis trente ans. Ensemble, ils voyagent, fréquentent la mouvance New Age avant un voyage déterminant en Europe. « Après un pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle, j’ai compris que j’étais catholique, que mon destin était d’écrire et qu’il fallait que je me batte pour réaliser mes rêves. » Ainsi est née la formule de L’Alchimiste.
« J’ai confié ce livre une première fois à un éditeur brésilien. Il n’y croyait pas et en a vendu 900 ! Je l’ai repris et j’ai frappé à d’autres portes. » La suite, on la connaît. Cette fable ésotérique s’est vendue à 60 millions d’exemplaires dans le monde et a été traduite dans 68 langues ! « Elle me vaut une inscription dans le Guinness des records ! »
Depuis, Paulo et Christina partagent leur vie, sans enfants, entre Rio et Genève et voient grossir une fortune qui se compte en dizaine de millions d’euros. « Nous avons également acheté une maison à Lourdes. J’y vais en pèlerinage une fois par an. » Paulo Coelho en ramène des petites bouteilles d’eau bénite qui ne le quittent jamais, et distribue généreusement des médailles miraculeuses.
L’homme croit aux signes. « Dieu parle aux hommes, il suffit juste de l’écouter. » Il estime que Benoit XVI ne doit pas avoir le bon décodeur des messages divins. « Je suis profondément choqué par son attitude; ses propos sur le préservatif et son rapprochement avec les intégristes sont inqualifiables ».
Paulo Coelho préfère donc délivrer, au fil de ses nombreuses oeuvres à l’inspiration inégale, son propre message. On y croise le grand amour et le respect des vraies valeurs. Celles qui le poussent à s’occuper d’enfants déshérités au Brésil.
Dans son dernier livre, La solitude du Vainqueur, lui, le riche et célèbre, brocarde la « super classe ». Celle des puissants qui se retrouvent au coeur du Festival de Cannes pour se montrer, faire des affaires et multiplier les fêtes. Une course à la vanité perturbée par un assassin qui frappe par amour. Un thriller où la mort décroche la palme.
Paulo Coelho se lève du canapé en cuir blanc: la rencontre est finie. Il farfouille dans un petit sac en plastique et m’offre une médaille de la Sainte Vierge. Et vous faites quoi dans les prochaines semaines ? « Je vais au Festival de Cannes ! »
Philippe LEMOINE
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