Interview - Le matin - 19/04

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Paulo Coelho: «Les Suisses ne font pas de chichis»

Paulo Coelho chez lui dans son appartement genevois, devant une série d’oeuvre de sa femme Paulo Coelho chez lui dans son appartement genevois

Installé depuis peu à Genève, le célèbre écrivain brésilien nous a reçus chez lui pour évoquer sa vie chez nous et son nouveau roman, «La solitude du vainqueur». Où, en prenant pour cadre le Festival de Cannes, il dresse un constat désabusé du nouveau visage du septième art. Interview

Anne-Sylvie Sprenger - le 18 avril 2009, 19h31
Le Matin

On ne présente plus l’écrivain Paulo Coelho, l’auteur best-seller de «L’Alchimiste». Avec des millions de livres vendus dans plus de quarante langues, le Brésilien est devenu, selon une enquête du magazine Lire, le deuxième auteur le plus lu dans le monde, juste après J.K. Rowling, maman de «Harry Potter». Autant dire que les feux de la célébrité, il connaît. Autant que ses distorsions, d’ailleurs. Il les évoque aujourd’hui au travers de «La solitude du vainqueur», son dernier roman, où il scrute avec dégoût et compassion l’univers du cinéma lors d’une édition du Festival de Cannes. Les «apprentis célèbres» et les requins décidés à profiter de leurs rêves pour s’en mettre plein les poches. Rencontre chez l’écrivain, dans un quartier résidentiel à Genève où il vient de s’installer.

A quelques semaines du Festival de Cannes, vous donnez un sacré coup de canif dans son image…
Cannes est le festival de cinéma le plus important. J’y vais tous les ans et j’adore. Cela dit, petit à petit, autour du festival, se sont installées des choses qui n’ont plus rien à voir avec les films. J’ai choisi de situer mon roman à Cannes, mais j’aurais aussi bien pu choisir la Côte d’Azur ou la Costa Brava. Ce qui m’intéressait, c’était de parler des valeurs que nous avons perdues.

Vous écrivez qu’à Cannes, aujourd’hui, tout n’est plus que mode et paillettes.
Les gens ne veulent plus être célèbres parce qu’ils ont quelque chose à partager. Ils veulent juste être célèbres. A cause de cela, un esprit de compétition s’est mis en place, qui n’a plus rien à voir avec le talent. Tout n’est plus qu’une affaire de contacts et d’apparence.

On a l’impression que le monde du cinéma ne vous fait plus rêver…
Oh non, je suis un vrai fanatique de cinéma! Je vois au moins cinq films par semaine. Je ne désire pas critiquer ce milieu. Les personnes qui sont en quête du star-system et de ces rêves de gloire en sont les premières victimes.

Mais n’a-t-on pas besoin de cette part de rêve?
Les rêves n’ont rien à voir avec la célébrité. Quand j’ai commencé à écrire, je ne pensais pas du tout que je pouvais un jour être célèbre. J’ai commencé à écrire parce que c’est là qu’était mon coeur. La chose la plus importante dans la vie, c’est de vivre son rêve. L’argent et la célébrité arriveront peut-être, mais il ne faut pas que cela soit un but en soi. Or aujourd’hui, il y a tout un système qui pousse à avoir des rêves, non pas personnels, mais de standing. On commence alors à vivre le rêve de nos parents ou de la société, au risque de perdre le sien.

Peut-on se tromper de rêves? Y aurait-il alors des rêves qui grandissent et d’autres qui détruisent?
Le problème, c’est que les rêves sont manipulés. Il y a des personnes qui viennent profiter de ces rêves et de ces espoirs pour s’en mettre plein les poches. Un rêve, c’est toujours beau, mais tout dépend de la façon dont on le gère. Au fait, c’est comme l’amour. L’amour peut vous amener vers le paradis ou l’enfer, mais l’amour restera l’amour.

Cette quête de la célébrité n’est-elle pas un mal propre à l’Occident?
Vous ne pouvez pas généraliser. D’abord, le rêve de la célébrité, c’est d’être aimé. Est-ce que vouloir être aimé, c’est quelque chose que l’on peut critiquer? Le problème arrive lorsque l’on est prêt à tout faire pour être aimé. Là, c’est mal.

Vous parlez de pertes de valeurs, de la nocivité de l’argent. La crise économique serait-elle alors bénéfique?
Absolument. Je crois que cela va faire changer l’état des choses. Je l’espère en tout cas, car les vrais plaisirs de la vie sont gratuits. Les gens ont commencé à délirer, à toujours vouloir plus. On est arrivés dans une situation où l’argent est vraiment devenu le maître. Maintenant, les gens se mettent un peu à réfléchir à leur comportement, notamment vis-à-vis de la consommation. A remettre aussi d’autres choses au centre de leur vie.

Vous-même, que vous a apporté la célébrité?
Les portes ouvertes. C’est la meilleure chose au monde. Où que je sois, je rencontre des gens qui connaissent mon âme, et je découvre les pays, non pas avec des guides de touriste, mais grâce à ces rencontres. Mais la célébrité peut aussi vous perdre. Moi, j’ai choisi de voyager, d’aller à la rencontre des gens plutôt que de m’emmerder dans des cocktails où l’on est forcé de sourire tout le temps. Cela m’a préservé.

C’est justement pour aller au contact des lecteurs que vous êtes un féru d’Internet?
Je suis totalement sidéré par les possibilités qu’offre Internet. C’est quelque chose qui m’a vraiment permis de connaître mes lecteurs. J’ai un site, mais également un blog (1) où je poste des vidéos et différents sujets de discussion toutes les semaines. J’y passe une grande partie de mes nuits.

Vous soutenez aussi les sites où les gens peuvent télécharger gratuitement vos livres…
Ah! Vous êtes au courant…

Une question s’impose: qu’en pensent vos éditeurs?
Ils essaient de l’ignorer, parce que l’on ne va pas se battre à cause de ça. Et puis, ça ne m’a jamais empêché de vendre un exemplaire. Les gens lisent les premières pages, et s’ils aiment, ils vont acheter le livre. Mon rêve, c’est de diffuser mes textes, de partager mon coeur et mon âme. Internet est un des meilleurs outils de diffusion. Mais je n’ai pas le droit de mettre en ligne les traductions - celles-ci appartiennent aux éditeurs. Alors je cherche parmi les sites pirates, et quand je trouve un site où télécharger gratuitement mes textes, je mets le lien sur mon blog. Si les éditeurs me font un reproche, je dis que je n’ai rien fait, que ce n’est pas moi qui l’ai mis en ligne!

Cela vous amuse?
Je l’avoue: me pirater moi-même, c’est très agréable!

(1) www.paulocoelho.com et paulocoelhoblog.com

«Vous êtes un peu les Brésiliens de l’Europe»

Depuis octobre dernier, l’écrivain brésilien s’est installé à Genève, dans un quartier résidentiel au sud de la ville. Il y vivra six mois par année. Le reste du temps, il résidera dans son Brésil natal. «Pour mon travail, j’ai besoin d’un pied-à-terre en Europe, explique-t-il. J’ai choisi Genève, car je peux avoir à la fois la ville et la campagne. J’aime descendre à pied au centre-ville et, l’instant d’après, prendre ma voiture pour aller me perdre dans la campagne.» Paulo Coelho a d’ailleurs un rêve avec sa femme: «traverser la Suisse à pied». Pour l’instant, il se contente d’une heure de marche «minimum» par jour.
L’écrivain confie également beaucoup apprécier l’accueil que lui réservent les Suisses. «Les Suisses sont très à l’aise avec les gens célèbres, ils restent naturels et sans chichis. Ce n’est pas partout le cas…» Et d’ajouter: «Je ne comprends pas la réputation que vous vous donnez. Vous n’êtes pas du tout froids, vous êtes très gais, comme nous, vous agissez selon vos émotions. Au fait, vous êtes un peu les Brésiliens de l’Europe… même si on est quand même bien meilleurs au foot!»

One response to “Interview - Le matin - 19/04”

  1. Abdul Diviney

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