Paris Match :Paulo Coelho : l’alchimie amoureuse

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Dans la peau. A l’époque de leur mariage, Paulo Coelho et Christina Oiticica ont préféré à l’échange d’anneaux le tatouage d’un papillon sur leur avant-bras gauche – symbole de liberté et d’ancrage. Ici, dans le bureau de leur appartement de Genève. | Photo Kasia Wandycz

un entretien avec Dany Jucaud - Paris Match

C’est un homme de lettres surtout connu pour ses chiffres : 400 millions de lecteurs, répartis dans 150 pays et 59 langues… Et puis des dizaines de conquêtes – dans sa période hippie –, quatre femmes, mais, depuis trente ans, une passion unique : Christina. Pas étonnant qu’entre triomphe professionnel et bonheur conjugal l’auteur brésilien, qui signe avec « La solitude du vainqueur » (éd. Flammarion) son quatorzième livre, se soit fait le prophète d’une « légende personnelle », ce destin favorable qui nous attend tous, à condition d’entendre et de suivre nos envies profondes. Pour rencontrer le sien, lui-même a erré, interné à 17 ans par une famille qui ne le comprenait pas, emprisonné par la dictature brésilienne, baba cool en quête spirituelle et parolier de musique rock. Avant de trouver, en même temps, l’écriture, Dieu et Christina. Sa trinité.Paris Match. Auriez-vous pu situer le sujet de “La solitude du vainqueur” dans un autre décor que celui du Festival de Cannes ?Paulo Coelho. Absolument. J’aurais tout aussi bien pu choisir le monde de la formule 1, mais j’ai toujours eu un faible pour Cannes. J’y vais chaque année depuis huit ans, juste pour le plaisir. Cannes, c’est la manipulation des rêves, c’est un microcosme des paradoxes, un extraordinaire terrain d’observation. Il y a des codes comme partout. D’ailleurs, 70 % de mes personnages sont inspirés de gens qui existent. Je m’étais toujours dit qu’un jour j’écrirais sur la mode. J’ai pensé tout de suite à Cannes ; je n’ai jamais compris pourquoi des gens étaient capables de payer une fortune pour un morceau de chiffon. On ne se souvient plus de qui a gagné la Palme l’an dernier, en revanche on se souvient très bien des fêtes. La seule chose qui me rend triste, c’est qu’année après année le festival devient une vitrine du luxe au détriment du cinéma.

Faut-il en conclure que le festival est amené à disparaître ?
Je ne pense pas, mais le prochain, sur fond de crise, va être très intéressant.

N’est-ce pas justement l’excès de célébrité, de glamour et d’argent que vous décrivez qui nous a conduit à la crise ?
Nous avons perdu le contact avec nous-mêmes. Quelles sont les vraies valeurs aujourd’hui ? C’est la bonne question. J’ai écrit ce livre avant la crise, en quinze jours, dans un état second, comme “L’alchimiste”. Je ne prends jamais de notes. Pour l’exactitude des détails, je vais sur Internet. Je ne décris jamais les décors ou les per­sonnages. Je laisse des espaces vides pour que le lecteur puisse les remplir avec son imagination. Quand j’écris le mot “fin”, je suis vidé.

Qui est votre premier lecteur ?
Je ne confie à personne le sujet sur lequel je suis en train d’écrire. Surtout pas à ma femme !

Pourquoi ?
Ma femme est un danger public ! [Il éclate de rire.] J’ai arrêté de lui faire lire ce que j’écrivais depuis le jour où je lui ai donné le manuscrit de “L’alchimiste” : elle m’a dit qu’elle le détestait et qu’il n’avait aucune chance de marcher ! Dorénavant, comme je suis superstitieux, je ne lui donne mes manuscrits à lire que lorsqu’ils sont déjà chez l’éditeur. Aujourd’hui, quand elle me voit penché sur ma table en train de travailler, elle est persuadée que je fais des recherches sur Internet ou que je lis les journaux.

On vous décrit souvent comme un écrivain mystique qui fait de la philosophie à bon marché. Qu’est-ce que vous répondez ?
Ça m’amuse. J’ai essayé toutes les drogues, toutes les formes de sexe, j’ai fait de la prison, j’ai écrit sur la prostitution, sur la folie… Mes parents m’ont même fait interner dans un hôpital psychiatrique quand j’étais jeune, parce qu’ils pensaient que j’étais rebelle. Curieusement, je n’en garde pas un mauvais souvenir alors qu’eux, avec le recul, ont vécu dans une terrible culpabilité. On vient de me consacrer une énorme biographie. Son auteur, avant de commencer, m’a demandé la clef de mes archives. Je la lui ai donnée. Je me fiche totalement de ce qu’on écrit ou dit de moi. Ce qui m’a choqué, en revanche, c’est de lire un livre sur moi où pratiquement tout est juste mais dans lequel je ne me reconnais pas.

Votre femme, paraît-il, a pleuré quand elle l’a lu…
Elle m’a dit : “Tu as tellement souffert !” Je n’ai pas souffert, j’étais dans la lutte. On vous frappe, vous répondez ; vous tombez, vous vous relevez. Je ne crois pas à la souffrance. Les gens ont oublié que les grands moments de la vie de Jésus se passaient dans la joie autour d’une table, ils ne se souviennent que de la croix. Jésus a souffert trois jours. Sur une vie, ce n’est rien !

Vous vous prenez pour Jésus ?
[Il rit.] Vous n’allez pas écrire ça, j’espère !

Vous qui êtes un fervent catholique, que pensez-vous du Pape ?
Je suis très déçu. Quand Bush a décidé d’aller en Irak, je lui ai écrit une lettre ouverte qui, m’a-t-on dit, a été un des articles les plus lus dans le monde. Ce serait peut-être une bonne idée, en tant que catholique, de faire la même chose avec le Pape. J’y pense.
Comment êtes-vous si sûr de l’existence de Dieu ?
Comment les athées sont si sûrs que Dieu n’existe pas ? C’est le même acte de foi. Moi, j’ai choisi de croire.

Vous recevez plus de mille mails par jour. Savez-vous pourquoi vous êtes tellement lu ?
J’ai arrêté de chercher la réponse. Le but de n’importe quel écrivain est d’être lu. Mon ignorance me donne beaucoup plus de liberté. La question que je me pose, c’est plutôt : qu’est-ce que je fais sur cette Terre ? J’honore le fait que je suis vivant et que j’ai du succès. La première chose qu’on me demande dans un dîner c’est : “D’où vient votre inspiration ?” Je dis toujours : “Je vais vous répondre, mais dites-moi d’abord combien vous gagnez.” Généralement, la conversation s’arrête là. Les gens qui ont du succès sont toujours très attaqués. Il y a chez les intellos un côté fasciste qui me fascine. C’est quand même étrange de reprocher son goût au peuple ! La meilleure des critiques est le bouche-à-oreille. Je dis toujours à ceux qui me critiquent : si vous êtes capable d’écrire mieux que moi, allez-y ! On a le droit de détester mes livres, mais on ne peut pas m’accuser d’être malhonnête.

Vous êtes riche. Pourquoi continuez-vous à écrire ?
J’aurais pu m’arrêter, c’est vrai, il y a longtemps. Avec “L’alchimiste”, j’ai gagné de l’argent pour deux générations. Ce qui me donne le plus de plaisir au monde, c’est de faire du tir à l’arc et de marcher. [Il me montre avec fierté un podomètre attaché à sa ceinture.] Je suis pour vivre avec le moins de choses possible. Mes maisons sont vides. Ma montre est sans valeur et m’a été offerte, mon pantalon coûte 50 euros. Je connais même le prix d’une baguette de pain. Je n’ai ­jamais perdu la notion de l’argent.

Est-ce que votre femme est à la hauteur de votre imagination ?
Christina est la seule personne au monde pour qui je pourrais tuer et être tué. Je n’ai pas d’arme, mais si quelqu’un a le malheur de toucher un de ses cheveux, je ne réponds pas de moi !

Lorsque vous l’avez rencontrée, avez-vous su immédiatement qu’elle était la femme de votre vie ?
Non. Je n’avais que des aspirations sexuelles. On a couché ­ensemble dès le premier soir. Une semaine après, je la demandais en mariage. C’était il y a trente ans… Pour sceller notre amour, on s’est fait tous les deux tatouer un papillon sur l’avant-bras. La seule fois où j’ai porté une alliance, c’était un peu par obligation, lorsque nous sommes allés en Iran. Comme j’avais peur que ça nous porte malheur, de retour en avion, j’ai voulu jeter l’alliance dans les toilettes. Christina s’est jetée sur moi en hurlant : “Arrête, arrête, Paulo ! C’est de l’or !”

A 61 ans, de quoi êtes-vous totalement sûr ?
De mon amour pour Christina. Je suis sûr qu’elle sera ma dernière femme. Je suis sûr que mon rêve était de devenir écrivain et que je devais écrire des livres pour être à la hauteur de ce rêve. Je suis sûr que la France a le meilleur vin du monde, je suis sûr que Bernadette a vu vraiment la Vierge à Lourdes. Et je suis sûr qu’un jour je vais mourir, alors qu’avant j’en doutais !

2 responses to “Paris Match :Paulo Coelho : l’alchimie amoureuse”

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