Le sage Coelho

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27/05/1995 - © Le Point - N°1184

Roman - « L’alchimiste » a séduit plus de quatre millions de lecteurs. Portrait de l’écrivain brésilien.

Avec son sempiternel col roulé noir, ses yeux de velours et son sourire éclatant, l’écrivain brésilien Paulo Coelho n’a rien d’un prophète new age pour hippies attardés ni d’un birbe barbu millionnaire sur le tard. Pourtant, son livre « L’alchimiste » a fait de lui le porte-parole richissime de la quête spirituelle façon « Petit Prince » et autres « Jonathan ». Ce livre qui s’est arraché comme les petits pains du miracle dans quarante-cinq pays a séduit plus de quatre millions de lecteurs, dont 350 000 Français, et squatte la liste des meilleures ventes depuis mai 1994 !

Venu en France pour promouvoir son nouveau livre, Paulo Coelho a appris le français en quelques semaines… avec un professeur japonais. C’est dans une langue très précise qu’il répond aux sarcasmes de la critique, qui voit dans son héros le fruit des amours du sapeur Camember avec Bécassine : « Dès que l’on brise le mur de la pensée établie, l’intelligentsia brandit l’épithète assassine : “simpliste”. Car, si nous sommes des bêtes, eux sont des sages. » Cela dit sans colère, avec la mélancolie d’un homme habitué à faire face au mauvais esprit, avec le souci, aussi, de s’exprimer au plus juste : « Si mon livre rencontre un tel succès, c’est qu’il reflète non seulement mes aspirations, mais aussi celles des gens qui se retrouvent dans ce désir de réaliser son idéal. »

Rencontre avec une « légende personnelle »

Ancien étudiant en droit qui jeta, en 68, ses cahiers au feu et ses maîtres au milieu, Paulo Coelho se donne à fond dans Peace and Love, plante des fleurs dans ses cheveux et compose des paroles inspirées par le chanteur rock Raul Seixas. L’underground est son bouillon de culture ordinaire, mais bientôt le besoin de nourritures plus traditionnelles se fait sentir : adieu foulards indiens, sectes et drogues, et retour à la norme et au journalisme. Coelho inaugure en 1977 une nouvelle vie en même temps qu’une troisième femme. Devenu spécialiste de la musique brésilienne pour le magazine Bilboard, il travaille chez Polygram et CBS jusqu’en 1980, date à laquelle il rechute dans la marge, s’embarque pour une vie de voyages avec sa quatrième épouse et s’apprête, la quarantaine passée, à devenir lui-même : un écrivain.

Aujourd’hui, auteur de six livres dépassant les tirages de Jorge Amado, Paulo Coelho a rencontré ce qu’il nomme sa « légende personnelle », c’est-à-dire son destin, sur les chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle, en 1986. Catholique avec raison, il ne quitte plus la Bible depuis dix ans et croit dans les vertus de la solitude, du jeûne et des pèlerinages. La grâce, pour lui, n’est pas un vain mot, ni la conversion une tisane pour bien-pensants : « Pour changer la société, il faut changer l’homme. » A commencer par lui. C’est ce qu’il tente de dire à travers « L’alchimiste » et, d’une autre manière, plus directe, dans « Sur le bord de la rivière Piedra, je me suis assise et j’ai pleuré ». Un titre inspiré d’un psaume qui lui vient à l’esprit après un séjour au monastère de Piedra, près de Barcelone. Ami des lieux inspirés, Paulo Coelho a choisi l’admirable basilique Saint-Savin comme cadre à ce livre. Sous le regard de la Vierge Marie, il y est question d’un homme et d’une femme qui s’aimèrent jadis, se retrouvent et se quittent sous le dur soleil de la foi.

 

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